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« Entre Mértola et les communautés de l'Alentejo pour en savoir plus sur la fonction sociale des musées

La chercheuse Giusy Pappalardo, de l’Université de Catane (Italie), était au Portugal pour effectuer une résidence sociomuséologique au Département de Muséologie de l’Université Lusófona.
Cette mission clôt un parcours de recherche qu’elle a commencé par une mission au Service de Muséologie de l’Université de Liège de février à avril 2021, cette dernière à distance en raison de la pandémie.

Entre le 11 et le 19 juillet, elle était à Mértola, au sud du Portugal, avec Floriane Paquay, notre étudiante en Master 1 qui réalise son stage dans la belle ville-musée portugaise. Là elles ont visité les antennes du musée de Mértola, un musée éclaté sur le territoire urbain et rural de cette petite ville. Elles ont également pris contact avec plusieurs acteurs du projet Mértola Vila Museu.

Vous trouverez ci-dessous son témoignage:
« Entre Mértola et les communautés de l’Alentejo pour en savoir plus sur la fonction sociale des musées

Je suis arrivée dans l’Alentejo en provenance de Lisbonne pendant un chaud lundi après-midi du début du mois de juillet 2022, l’une des semaines les plus chaudes de l’année. Malgré la fatigue du voyage, l’accueil de Guilhermina a été une première note de joie et une introduction festive à mes journées à Mértola, ainsi que les sons de la nature que l’on peut encore entendre le long du Guadiana à Além Rio, où le bruit des voitures perturbe rarement la tranquillité.
Je suis une chercheuse italienne de l’Université de Catane, en Sicile, qui travaille sur la planification territoriale avec une approche de recherche-action dans une perspective communautaire. Je développe ctuellement mes recherches en sociomuséologie. J’ai donc passé 3 mois en résidence à l’Université Lusófona de Lisbonne, recommandée par une chercheuse et amie, Manuelina Duarte. La même Manuelina m’avait déjà donné l’occasion de rencontrer Cláudio Torres, Susana Gómez et Lígia Rafael de Mértola, lors d’un cycle de webinaires internationaux que nous avons organisé pendant les mois les plus difficiles de la pandémie de covid-19, en 2021, où nous avons parlé des expériences les plus avant-gardistes dans le monde des muséologies insurgées.
Une fois encore, Manuelina, alors que j’organisais mon voyage au Portugal pour 2022, m’a suggéré de passer une semaine à Mértola : “il est important d’y rester au moins une semaine”. Et, en effet, ma semaine à Mértola – et parmi les rues sans ombre de l’Alentejo – était vraiment le temps minimum pour commencer à aimer, pour commencer à comprendre et à créer des liens avec cette terre.
Je suis arrivée ici avec Floriane, étudiante en Muséologie à #39;Université de Liège, qui fera son stage à Mértola. Ensemble, nous avons partagé les douleurs de la chaleur, l’émerveillement des lieux, les questions encore ouvertes et la volonté de contribuer à un processus de renforcement de la communauté locale qui se poursuit depuis plus de 40 ans.
Le cante alentejano, que Guilhermina continue à pratiquer avec fierté et splendeur avec d’autres, m’a immédiatement donné des interprétations importantes. “Les gens qui chantent ne mourront pas”, lit-on à la Casa do Alentejo de Lisbonne, rappelant les mots de Michel Giacometti. Il s’agit du Cante, mais aussi des formes d’expression et de narration. Il y a la Muséologie elle-même, comprise comme un témoignage direct des cultures qui ont vécu et coexisté dans les lieux.
Le processus de muséalisation de l’Archéologie à Mértola m’a communiqué ce message important, qui est avant tout un message politique. Cela m’est apparu beaucoup plus clairement en écoutant les paroles de Cláudio Torres, avec qui j’ai eu l’honneur de passer du temps dans sa maison, entourée de son affection. Cláudio et Nádia (sa fille) ont longtemps parlé de la signification de mettre en lumière, de parler, de donner de l’espace à la culture islamique, souvent oubliée dans les livres d’histoire.

Et les nombreuses visites avec Lígia dans les musées in situ m’ont rendu le concept encore plus clair:
“Il est important de laisser les trouvailles là où elles sont”, précise toujours Lígia. Et me viennent à l’esprit les débats les plus actuels en Muséologie dans lesquels nous discutons de l’importance d’arrêter la tendance à centraliser l’accumulation d’objets, et à appauvrir les territoires déjà exploités par la cupidité des centres de pouvoir.

La passion des spécialistes et des bénévoles du domaine archéologique – désireux de continuer à creuser sous le soleil très chaud de cet été lié au changement climatique et entrainant des incendies – a confirmé pour moi la force du message qui sous-tend ces fouilles. Susana, Virgílio, et ‘autres encore ont consacré leur vie à cet endroit. L’action de défense et de narration du patrimoine de Mértola, qui est à la fois naturel et culturel, a donné une nouvelle vie à une ville de la campagne portugaise qui, autrement, comme beaucoup d’autres endroits autour d’elle, aurait presque disparu des cartes.

J’espère publier prochainement un rapport qui pourra donner une forme plus structurée de réflexion sur le processus d’écoute et d’analyse mené en une semaine (finalement, très peu), en cet été chaud. Je remercie le Conseil municipal pour son soutien dans ce travail.

J’espère retourner bientôt à Mértola, mais je ramène certainement en Sicile – une terre qui ressemble beaucoup à l’Alentejo – une leçon très claire sur la fonction sociale des musées : la capacité de mettre en lumière, de préserver et de renouveler des récits qui seraient autrement réduits au silence.

J’emporte avec moi les images imprimées du travail de Maria Helena et des autres femmes de l’Atelier de tissage, de la passion d’Orlando pour la préservation de la mémoire dans l’un des centres muséaux les plus périphériques de Mértola (Alcaria do Javazes), du soin avec lequel l’équipe du musée et d’ailleurs nous a accueillis, guidés et inspirés.

Giusy Pappalardo
Juillet 2022

Musée Mértola. Commune de Mértola © 2020. Tous droits réservés